Rubrique : Ressources documentaires
Catégorie : Documents & témoignages anciens
RETOUR ACCUEIL LE SITE

poule coucou de Flandre (A.Detroy,musée d'Histoire naturelle de Lille) coq coucou de Flandre (A.Detroy,musée d'Histoire naturelle de Lille)

La Coucou de Flandre ,

histoire d'une volaille régionale ( 1 )


Auteur : R. ADOLPHI


Introduction

La Coucou de Flandre ( ou coucou des Flandres , les deux appellations étant utilisées ) , est une volaille dont l'origine est probablement celle qui est la mieux connue de toutes les races originaires du Nord. Sa création remonte aux années 1875 - 1880 ; elle est l'aboutissement du travail essentiel de tout aviculteur : la sélection.
Une autre particularité de la Coucou de Flandre est que cette volaille a pour aire géographique une vaste zone comprenant outre la région du Nord , la Belgique , les Pays-Bas. Elle n'est pas issue d'un quelconque croisement entre plusieurs races bien déterminées. Volaille "indigène" , son patrimoine est celui du terroir cité précedemment et c'est une des rares volailles qui n'a pas connu de croisement avec une race asiatique contrairement à ce qui est souvent affirmé par ailleurs.

Sources documentaires
L'essentiel des sources documentaires provient de la revue ancienne " Chasse et Pêche " ; cette revue hebdomadaire , qui , éditée en Belgique , a paru entre 1882 et 1935 , est une véritable vitrine de la vie avicole pendant toute cette période. La diversité de ses thèmes en fait une mine d'informations inestimables comme vous pourrez le constater dans la présente étude.



Première partie : Race / variété coucou
plume COUCOU caractéristique
Le phénotype "coucou" de la plume est dû à la combinaison des gènes simples suivants :
- C (dominant) et i (récessif) qui permettent l'expression de la coloration ;
- E ( extended black en anglais ), qui donne une plume entièrement noire ;
- B (barred en anglais) responsable de la "barrure", c'est-à-dire la succession de barres blanches et noires, ce qui donne, vu de loin, un poulet "gris" ;
- S (silver en anglais) qui correspond à une plume blanche là où il n'y a pas de noir ( par opposition à l'allèle récessif ( s = roux).
La particularité du gène B est d'être lié au sexe, ce qui veut dire que le mâle homozygote possède 2 "doses" de ce gène tandis que la femelle, qui n'a qu'un seul chromosome sexuel, en possède une seule dose. Le coq homozygote récessif bb n'a pas de barre du tout, il a donc une plume noire. Pour avoir une plume "coucou", les poulets doivent être purs ( les généticiens disent "homozygotes" ).
Pardon pour ces notions abstraites mais indispensables pour bien situer le type Coucou par rapport aux autres races et variétés de poule. Plus simplement , on dira que la poule coucou de Flandre est une poule au plumage noir affecté du gène B. Ce géne B est aussi vieux que la poule elle même , en tout cas aussi vieux que ses congénères E , S ; de plus ce gène existe même dans les contrées les plus reculées comme l'Afrique centrale et australe peu susceptible d'importation de volaille de souche étrangère.
Nos terroirs d'Europe du Nord - Ouest ont donc connu depuis toujours des poules noires et coucous lorsqu'ont débarqué , vers 1850 les grosses volailles asiatiques qui seront croisées par la suite avec les volailles locales.


Deuxième partie : Où l'on déplore la disparition de certaine race locale ...
Hebdomadaire Chasse & Pêche , n° 20 du 15 février 1891
Les races de poules indigènes , page 198
" Les expositions ont pris en Belgique un développement plus considérable que dans tout autre pays du continent; moins fréquentes, il est vrai, mais plus importantes sous le rapport du nombre des oiseaux exposés, que les expositions en Angleterre, sauf celles de Birmingham, le Dairy et le Crystal Palace Show.
Nous avons même vu l'année passée une des trois sociétés d'Anvers rivaliser avec cette dernière. Nous ne connaissons pas de raisons pour que la Belgique perde la place occupée jusqu'ici; les amateurs qui ne tiennent pas à faire la traversée jusqu'en Angleterre pourront toujours, en venant jusque chez nous, admirer les plus beaux résultats de l 'aviculture moderne Mais nous-mêmes , pour la plupart des races populaires en Angleterre , nous aurons toujours à passer la mer du Nord pour nous tenir au courant des perfectionnements, parce qu'en Angleterre il y a vingt fois plus d'éleveurs d'une race que chez nous ; parce que leurs juges, ayant plus d'autorité que les nôtres, peuvent changer le type et que leurs exemplaires sont nés et élevés chez eux; car, ne l'oublions pas, les volailles américaines modifient leur type en Angleterre et les anglaises varient sur le continent. "
" A tort ou à raison, ce motif a été cité pour démontrer l'impossibilité d'établir les mêmes points caractéristiques pour l'Angleterre, l'Amérique et le monde entier.
Nous possédons cinq ou six races de poules indigènes, répandues par milliers dans toutes les fermes, acclimatées, habituées à notre nourriture et à la manière de se les procurer.
Nos fermiers connaissent la façon de les traiter et savent exactement quels profits ils sont en droit d'en attendre. II ne serait donc pas bien difficile de les persuader à améliorer et à embellir ces races, comme ils ont amélioré et embelli leurs arbres fruitiers. Nous ne parlerons que de deux races, les meilleures du monde pour nous: le coucou de Malines comme poulet de table, la campinoise comme pondeuse. Le coucou de Malines actuel est, comme la wyandotte, le produit d'un croisement. L'ancien type semble être perdu. II est remplacé à nos expositions par le coucou d'Ecosse et le coucou de Rennes.
Constatons ici une grande négligence de notre part : si nous avions gardé l'ancien coucou de Malines comme poule d'exposition pour la perfection de son plumage, nous aurions pu nous en servir à présent pour embellir le plumage du coucou actuel, sans lui ôter aucune de ses qualités prolifiques. Nous ne pensons pas que par le croisement du grand coucou actuel avec une race de coucous autre que celle du pays même, nous puissions lui conserver sa précocité, sa chair délicate et son aptitude à l'engraissement.
Nous avions donc en Belgique une race de poules coucou à pattes blanches et lisses, appelée de son vivant : " coucou de Malines " , après sa mort : " poulet de Bruxelles ".
Depuis vingt-cinq ans, grâce à un croisement du brahma blanc à crête simple qui , lui-même, d'après l'article de M. Entwistle " Une leçon d'élevage " , ne serait qu'un croisement de Cochin et d'Aseel et aussi à un croisement de Cochin pur, le coucou de Malines est devenu la meilleure, la plus grosse et la plus recherchée volaille de table du monde.
Dans la pratique, les coucous tendent toujours à dégénérer ; ils perdent leur taille et blanchissent, par la raison que les éleveurs de la campagne ne pratiquent aucune sélection ; au contraire ils s'empressent de vendre leurs plus beaux sujets, parce que ceux-ci rapportent le plus et le plus tôt, et ne gardent pour la reproduction que les coqs dont ils n'ont pu obtenir un prix suffisant...
...Aucune race de volaille ne donne un aussi grand profit en un si petit nombre de semaines, aucune n'est représentée par un aussi grand nombre d'exemplaires. En formant un club réunissant des amateurs et des fermiers intelligents, on serait bientôt parvenu à produire des géants, sans courir le risque d'obtenir des monstres, sans utilité pratique pour les agriculteurs, uniquement destinés à provoquer l'étonnement des visiteurs aux expositions...
"... La différence entre les trois variétés est trop minime pour qu'il soit pratique de donner à chacune d'elles des classes séparées. Nous pensons que la poule de Braeckel est celle dans laquelle se trouveront le plus facilement des types d'exposition.
C'est encore elle qui sera la plus recherchée pour l'exportation. Mais que les types viennent de Campine, de Flandre ou de Hainaut, nous pensons qu'il y a lieu de les diviser d'après le plumage, les unes seront barrées comme la bredas & hepel ou Hambourg crayonnée, les autres fleuries comme on les rencontre souvent dans les fermes; ces dernières auront l'avantage d'être plus distinguées, car ce plumage ne se rencontre chez aucune autre race de volaille.
De mème que l'ancien coucou de Malines, la poule de la Campine et celle de Braekel tendent à disparaître.
Les fermiers et les petits cultivateurs qui élèvent des poulets pour le marché, ont de l'avantage à les croiser avec des coucous de Malines ou simplement avec des cochinchinois, parce qu'ils obtiennent ainsi des coquelets et des poulettes plus précoces, plus rustiques et plus volumineux, dont ils obtiennent un plus haut prix au marché.
D'après ce qui précède. il est évident que l'agriculture belge demande de nouvelles races de poules réunissant les qualités de pondeuses et de gros poulets de table. La wyandotte ne peut faire notre affaire : à cause des pattes jaunes d'abord; ensuite elle n'est pas un produit du sol, plusieurs amateurs ont essayé le croisement de la campine et du langshan. Cette combinaison donne d'admirables produits comme taille et comme rapport.
Nos deux poulettes nées en mai ont commencé leur ponte en novembre, et malgré le froid extraordinaire de cet hiver n'ont pas cessé de nous donner régulièrement de très gros oeufs roses. Notre rêve est de produire une nouvelle race de poules du pays qui sera à l'ancienne poule de la Campine ce que le nouveau coucou de Malines est à l'ancien. Notre idéal serait d'obtenir une volaille ayant tous les caractères de la campine, mais très grande.
Naturellement, il y a place pour d'autres; mais les fermiers les adopteront plus difficilement et il sera plus difficile de les avoir plus loin ou plus près du sang existant déjà. Une transformation se fait fatalement; mais si les aviculteurs sont réellement de quelque utilité à l'agriculture, il y aurait là une belle occasion de le montrer ."


PAGE SUIVANTE Histoire de la Coucou de Flandre (2)