Nous publions ci-après la suite de l'extrait de Chasse et Pêche du 5 déc. 1897
" Avec les données que nous possédons actuel1ement , nous pouvons à peu près reconstituer
l' histoire du pigeon de ferme comestible dans le nord de la France et les provinces
belges limitrophes ..."
" Le biset est le pigeon primitif des fermes, les éperviers se chargent du sélectionnement
des couleurs, ils l'empêchent d'être marqués de blanc. Quoi qu' ait pu en dire Darwin nous
ne pouvons admettre que toutes les races domestiques de pigeons descendent du biset
uniquement. C'était en vue .le prouver le contraire que le 10 octobre 1897 nous avons
dessiné sur la même planche un colombin et un biset. Nous nous étions donné la peine
d'écrire les points caractéristiques des deux pigeons les uns en regard des autres.
Cette comparaison permet d'établir que différentes espèces de nos pigeons domestiques
tiennent tantôt de l'un, tantôt de l'autre. D'ailleurs, nous avons connu des croisements
féconds de pigeons et de diverses colombes exotiques. Nous n'en citerons qu'un seul,
c'est le biset cannais, que nous avons décrit à notre retour d'une exposition de Paris
en 1892.
Nous disions donc que les bisets des grandes fermes gardent leur couleur naturelle grâce
aux éperviers qui en éliminent tous les sujets marqués de blanc. Ce sont encore les
éperviers , mais ici ils ne sont pas seuls , qui ont formé la race plus casanière des
manottes. Ceux qui vont aux champs sont pris et cessent de faire souche ; ceux qui
restent dans la cour y reproduisent un pigeon plus paresseux , plus grand et de plus en
plus blanc. Les pigeonneaux marquées de blanc , à l'œil de vesce , au bec blanc , aux
pattes rouges ont plus d'extérieur que les bisets et sont plus recherchés sur les marchés.
C'est ainsi que doivent s'être formées les races qui , telle la manotte , paient par la
plus-value de leurs produits la nourriture qui doit leur être donnée hors de la main.
M. Fontaine dit que les manottes d'Artois ne sont pas rouges , mais à tête et cou blancs
, le restant marqué , pas moucheté , ou tigré de noir ou bleu.
Il ne mentionne pas si ces plaques sont plus ou moins régulières. En tout cas , il doit
être facile , après un peu d'études comparatives , de créer des manottes régulièrement
marqués pour être améliorés aux expositions et ensuite être renvoyés aux petits fermiers
à la campagne afin d'améliorer la race entière.
Il y a pourtant des manottes rouges ;
nous en avons vu un exemplaire à Lille , et hier encore M. Ph. Tielemans , qui a
parcouru le département de la Somme et toute la Picardie , en amateur de pigeons
boulants français , nous a répété que la plupart des pigeonneaux qu'il a vus étaient
rouges et à huppe pointue.
Nous pensons que le manotte rouge est d'un degré plus
amélioré que celui à tête et à cou blancs. Expliquons-nous.
Le biset donne de petits pigeonneaux à pattes noires et à chair grise , le manotte d'Artois
en donne de plus gros , à chair blanche et à pattes rouges. Mais le manotte de Picardie ne
doit pas avoir de plumes blanches pour donner de beaux pigeonneaux. La couleur rouge , et à
plus forte raison la jaune , son dérivé , sont des couleurs correspondant avec la belle
chair blanche. Il en est ainsi du ringslager et du carneau.
Nous avons aussi pensé que
la couleur rouge doit avoir une autre raison d'être que celle de produire de beaux
pigeonneaux. Il se pourrait que les éperviers , qui sont certainement attirés par les
pigeons blancs ou autres oiseaux atteints d'albinisme , ne rencontrant jamais des oiseaux
sauvages tout rouges , sauf peut-être la cresserelle , hésitassent à poursuivre les pigeons
rouges. Il est encore possible que les pigeons rouges , se confondant avec les briques et
les tuiles , sont moins voyants que les autres.
Le carneau est , à nos yeux , un manotte
perfectionné , destiné à produire le pigeonneau de luxe , en même temps le meilleur , le
plus gros , le plus beau , mais que des siècles de négligence ont ramené à une taille peu
au-dessus de l'ordinaire . Il ne tient qu'à nous de le régénérer et de faire revivre une
ancienne industrie autrefois prospère.
Nous , de notre côté , nous avons fait pour le carneau ce que nous pouvions. Du côté de la
France ,le nom de Robert Fontaine restera toujours attaché au carneau. Si , comme nous
l'espérons , les Aviculteurs du Nord organisent leur exposition à Lille , en janvier
prochain , nous les engagerons beaucoup à créer des classes spéciales pour manottes et pour
carneaux. , auxquelles il serait donné une importance extraordinaire. Nous sommes assurés
que le gouvernement français appuiera les efforts des aviculteurs. Au fameux banquet de
Paris , au boulevard Bonne-Nouvelle , où , comme les journaux quotidiens l'ont publié , il
a été servi un rôti de volaille de mille francs , un nandou blanc , nous avons eu l'honneur
d'avoir été placés à côté de M. L. Vassillière , directeur de l'agriculture en France.
Nous avons eu l'occasion de dire que chez nous les aviculteurs reçoivent toutes espèces
d'encouragement de la part du gouvernement , du moment que leurs opérations portent sur
quelque chose d'utile aux cultivateurs de la campagne , sur l'amélioration d'une race
d'animaux qui soit l'objet d'une industrie ou d'un commerce. En France , les poules de
Faveroles , les canards de Normandie , les pigeons manottes et carneaux sont dans cette
situation. M. le directeur de l'agriculture nous a écoutés , car, en terminant un discours ,
il a promis de beaux jours pour l'aviculture en France, qui allait progresser encore en
suivant les conseils que venait de lui donner son voisin.
L. Vander Snickt.
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