Rubrique : Ressources documentaires
Catégorie : Documents & témoignages anciens
RETOUR ACCUEIL LE SITE

La poule de Brakel , une volaille ancestrale


Auteur : R. ADOLPHI


Introduction

Nous reproduisons ici une correspondance signée L. Vander Snickt, adressée au journal L'Acclimatation, dans laquelle il présente la poule de Brakel.
Dix ans plus tard, Vander Snickt éditera un très bel article dans Chasse et Pêche ( 5ème année ). accompagné d'un fort joli dessin de ses mains, et qui sera le début d'une longue série.

Bruxelles , le 11 septembre 1877
" Monsieur le Rédacteur,
J'habite les Flandres ; il y a 20 ans que j'y élève les poules des races les plus belles et les plus variées, je les ai exposées avec succès, car elles m'ont rapporté tout un tas de médailles et assez de diplômes d'honneur pour pouvoir en tapisser une chambre, et j'en suis arrivé à conclure que, pour la ferme, la meilleure poule est celle du pays.
J'ai distribué des œufs ou des jeunes coqs de race à plus de fermiers qu'à ceux qui m'en ont fait la demande. Peine inutile. Voici l'opinion de nos paysans :
La Cochinchinoise donne un croisement détestable, couvant à tout bout de champ.La Brahma donne des produits meilleurs, d'une taille énorme, mais leurs œufs qui sont d'une teinte jaunâtre, se vendent moins bien que les œufs blancs. La Dorking donne de magnifiques poulets pour la table, mais ne pond pas plus d'œufs, ni d'œufs plus gros que la poule du pays pure. Puis quand on n'habite pas le voisinage immédiat d'une grande ville, il y a plus de profit à tenir les poules pour leurs œufs que pour leur chair. Un gros poulet mange plus qu'un petit poulet, et ne pond pas plus d'œufs que le petit. Comme nos poulets doivent chercher eux-mêmes la plus grande partie de leur nourriture, deux individus trouveront plus qu'un et pondront un nombre d'œufs double.
Les combats de coq étant encore en honneur malgré les règlements de police, il ne manque pas de coqueleurs qui viennent demander à pouvoir mettre en dépôt dans les fermes le trop plein de leurs combattants. Tous nos fermiers connaissent le ravage des batailleurs dans une grande basse-cour.
Les belles races françaises peuvent être très bonnes en France , mais ici leurs produits s'élèvent difficilement et se laissent trop facilement écraser sous les pieds des chevaux.
Le croisement avec les poules de Hambourg est excellent, quoiqu'un peu délicat et sauvage , mais les fermiers se plaignent des œufs qui sont petits, de sorte qu'on ne parvient pas à les vendre au cours du jour.
Nous possédons une poule réunissant toutes les qualités que nous demandons, nous aurions tort de l'abîmer par le mélange d'un sang inconnu.
La bonne poule du pays s'appelle poule de Brakel, du nom d'un village flamand, où, depuis un temps immémorial, elle est élevée par les pauvres gens qui habitent les bois.
L'entrée de la maison ne leur est point refusée. Choyée et dorlotée qu'elle est, elle pond tout l'hiver, on la laisse couver dès les premiers jours. Les poussins trouvent place près du foyer. Aussitôt qu'il y a un rayon de soleil, on les lâche dans les bois où ils trouvent des insectes sous les feuilles mortes que la mère remue avec rage. Dès le mois de mars, ces poulets sont portés au marché d'Audenarde où des marchands viennent les payer 4 à 5 fr pièce pour les transporter à Gand. Là ils sont servis sur la table des riches sous le nom de Poulets de grain.
L'élevage continue. Les jeunes coqs sont vendus vers l'âge de 2 mois. Ces coqs sont très précoces, à 15 jours il leur pousse déjà une belle crête. Il n'y a pas de coqs qui se laissent mieux chaponner.
Les poulettes sont gardées le plus longtemps possible, mais une fois que l'on commence à ensemencer les terres en septembre, il faut bien, pour éviter des conflits entre voisins, se décider à ne garder que les poules absolument nécessaires pour passer l'hiver, et envoyer le reste au marché où elles trouvent toujours preneur. Voici à quoi l'on reconnaît les bonnes poules :
Bec et pattes bleus, œil tout noir, crête simple et régulièrement dentée, droite chez le coq, retombant d'un côté chez la poule qui pond ; camail blanc ou à peu près, tout le reste du corps blanc crayonné de noir. Les jeunes coqs portent la même livrée que les poulettes, ce n'est qu'en devenant adultes qu'ils prennent du blanc sur le dos et la poitrine. Taille un peu plus grande que celle des Hambourgs.
La poule de Brakel est très précoce, plus précoce que n'importe quelle race ; rustique , se contentant de toute espèce d'habitation, intelligente pour éviter les dangers et mener une couvée, elle ne couve pas souvent, et il est très facile de lui en faire passer l'envie. Si on ne s'occupe pas d'elle, elle saura bravement chercher à trouver de quoi vivre, et si on la nourrit bien, qu'on la loge chaudement, elle pondra tout l'hiver.
A Audenarde, Renaix, Lessines, Grammont, Nederbrakel, Sotteghem, Ninove, etc…,où il y a de grands marchés d'œufs, elle porte le nom de poule de Brakel et est réputée sans rivale; vers Gand, on l'appelle poule d'Audenarde ; à Tournai, on l'appelle poule d'Herchies, du nom d'un village où l'on pratique en grand, mais en très grand, l'élève du caneton, élevage dans lequel notre poule joue un grand rôle. Vers Bruxelles on l'appelle poule de Campine, poule qu'il ne faut pas confondre, comme beaucoup d'auteurs l'ont fait et le font encore, avec la poule d'Hambourg crayonnée, qui est une poule d'origine Hollandaise où elle est encore. Cette dernière est beaucoup plus petite, a une crête frisée en pointe, des barbillons ronds, est plutôt zébrée que crayonnée, pond des œufs plus petits , ne couve pas, enfin a d'autres habitudes."

L. Vander Snickt.



Chasse et Pêche, n° 47 du 21 aôut 1887


La poule de Brakel
Hebdomadaire Chasse & Pêche , n° 47 du 21 aôut 1887

" La poule de Brakel est ainsi nommée sur les marchés d'Audenarde, Sottegem, Grammont, Renaix, etc. , parce qu'elle a la réputation d'être originaire des communes de Nederbrakel et d'Opbrakel situées au centre de ces petites villes.
Cette poule est partout réputée dans le pays et dans le Nord de la France comme la meilleure pondeuse de beaux gros oeufs blancs q ue l'on connaisse et les Gantois surtout savent apprécier la race sous forme de poulet de grain précoces.
La série des expositions d'aviculture commencant déjà le mois prochain va naturellement attirer l'attention sur deux des principales variétés de poules de notre pays.
L'une est le coucou de Malines, la poule de table plus connue sous le nom de poulet de Bruxelles et l autre, la poule de Brakel, la pondeuse, dont tous les points sont loin d'être définitivement fixés. C'est là une petite besogne incombant à la Société Belge d'Aviculture.
La poule de Brakel est au moins aussi belle que la plupart des poules d'exposition. La taille est a u-dessus de la moyenne des poules de ferme ordinaires; la forme est élégante, la poitrine fortement développée, le dos long et large, le corps prés de terre, la queue bien développée.>BR> Le bec est bleu, l'oeil tout noir, la crète, les joues et les barbillons rouge vif, les oreillons blancs, souvent teintés de bleu, le camail tout blanc, sans taches, tranchant sur le restant du corps qui, vu à distance , est tout gris, jusque sous le bec.
Chaque plume de la poitrine, des cuisses, du ventre et des ailes est blanche avec deux ou trois raies noires grisâtres, les grandes couvertures des ailes ne sont pas rayées en travers mais portent de petits points noirs, les couvertures de la queue et les grandes plumes caudales portent plusieurs raies transversales, et ces derniéres sont presque noires, les pattes sont bleues. La crête est simple, assez grande, retombant de côté devant un oeil. Les barbillons plus allongés que ronds.
Jusqu'ici nous serons tous d'accord; mais comment les épaules, le dos et la croupe doivent -ils être marqués ?
Les amateurs de poules de la Campine à crêtes simples ou Hambourg crayonnées ne manqueront pas de dire que les épaules, le dos et la croupe doivent être marqués de bandes transversales comme la poitrine.
Mais nous n'avons jamais trouvé les poules de Brakel marquées si régulièrement. Elles ont le plus souvent sur le dos des plumes grises marquées dans le milieu de taches noires d'un três bel effet, gebtoemd disent nos paysans, c'est-à-dire marquées de petites fleurs.
Dans son bel ouvrage Hand en Standaart boek à l'article Pet ( Poule de la Campine ou Hambourg crayonnée ), M. R.-T. Maitland s'exprime ainsi :
"( N. B. - La Campine (depellen ) à crête simple( Boerenpellell, Campines des paysans) sont généralement moins régulièrement marquées que celles à crêtes doubles parce que les amateurs en font moins de cas. Voilà donc un premier point à fixer par la Société belge d'Aviculture.
Le deuxième point sera la couleur du coq.
Voulant donner un coq d'après nature, nous sommes allés à Grammont chez M. V. Vander Snickt dessiner celui que nous publions aujourd'hui.
Ce coq a la poitrine rayée comme ses poules, le camail, les épaules, le dos et les lancettes blanc pur, assez de noir, peut-ètre trop de noir sur les ailes, la queue noire, les grandes faucilles bordées de blanc.
Quand les coqs de Brakel ont encore le plumage de la première année, ils ont exactement celui des poulettes; la deuxième année le dos devient blanc, quelque fois la poitrine aussi.
Nous avons remarqué qu'avec des coqs à poitrine blanche on obtient difficilement ou pas du tout des poules rayées jusqu'au menton.
Espérons que nous parviendrons à nous entendre sur la couleur des coqs à primer aux expositions.
Cette poule est encore fort répandue sous le nom de Campine à crête simple dans le nord-est de la Belgique, dans les fermes d'au-delà de Malines vers Diest,Hasselt, Turnhout. Elle y est d'une taille plus petite et a les pattes moins bleues, plus grises.
A Tournai elle est connue sous le nom de poule d'Orchies, sa taille dépasse souvent celle de sa parente de Brakel, et elle est d'une grande précocité. Elle est aussi très répandue et très estimée dans tout le Nord de la France. Elle est presqu'exclusivement employée à l'élève des canetons.
En Frise (Hollande), on connaît sous le nom de Poule frisonne, une variété plus petite, pas plus grande que la Campine ou Hambourg crayonnée, et qui a également la réputation d'ètre excellente pondeuse. Elle a les pattes bleues, le haut de la poitrine et le dessous du ventre blancs; le coq est tout blanc avec la queue noire dont les faucilles sont marquées de blanc.
Si les amateurs ne s'en mêlent pas, la poule de Brakel n'existera bient6t plus qu'à l'état de légende. Tant que les fermiers ne gardaient cette poule que pour en porter les gros et nombreux oeufs blancs aux marchés, la pureté de la race ne courait aucun danger; mais depuis quelque temps ils trouvent leur profit à élever des poulets pour le marché, et à les avoir le plus gros et le plus précoces possible. Il en résuilte quc depuis trois ou quatre ans. tous les fermiers croisent leurs poules de Brakel avec des coqs de cochinchine exactement comme ceux des environs de Malines, l'ont fait avec leurs anciens coucous.
Le rÔle des amateurs d'expositions est donc tout tracé: l'ancienne race se conservera dans toute sa pureté dans quelques grandes fermes, mais pour les amateurs et lcs petits fermiers, ils auront à l'améliorer dans le sens de la taille, de la rusticité et de la précocité des poussins. Ils y parviendront mieux en introduisant dans la race du sang de Langshan, de Brahma ou de cochinchine judicieusement choisi, qu'en laissant le croisement se produire au hasard."



RETOUR RUBRIQUE : Histoire & Documents