Réponse à l'article intitulé " les races de poules indigènes "
CHASSE & PÉCHE Numéro 22 , 1er mars 1891
ACCLIMATATION ET ELEVAGE
" L'ancien coucou de Malines
A la suite d'un article traitant des poules de races indigènes , nous avons
reçu une réponse à laquelle nous nous attendions.
Nous avons écrit que l'ancien coucou de Malines semble être perdu , parce qu'aux
expositions il n'a pas de classe parmi les poules du pays. Mais il n'était pas
admissible qu'une volaille encore si commune il y a encore 15 ou 20 ans put ne plus
exister."
La réponse.
Hebdomadaire Chasse & Pêche , n° 22 du 1er mars 1891
" Lompret , le 18 février 1891
Monsieur ,
Je lis dans Chasse et Pêche du 13 février , page 198 , un excellent article sur les
" races indigènes ?. Mais j'y lis : " Le coucou de Malines actuel est , comme la
wyandotte , le produit d'un croisement. L'ancien type semble être perdu. Il est remplacé
à nos expositions par le Coucou d'Ecosse et le coucou de Rennes. Constatons ici une grande
négligence de notre part : si nous avions gardé l'ancien coucou de Malines comme poule
d'exposition pour la perfection de son plumage , nous aurions pu nous en servir à présent
pour embellir le plumage du coucou actuel, sans lui ôter aucune de ses qualités
prolifiques.
Nous ne pensons pas que par le croisement du grand coucou actuel avec
une race de coucous autre que celle du pays même, nous puissions lui conserver sa
précocité, sa chair délicate et son aptitude à l'engraissement.
Je suis tout à fait de cet avis : le coucou de Rennes et le coucou d'Écosse ne sont pas
assez lourds et ne s'engraissent jamais assez parfaitement pour tenir la tête parmi les
meilleurs poulets de table.
Mais je ne crois pas que le type primitif du coucou de Malines, de cette race de poules
coucou à pattes blanches et lisses "' soit perdu et perdu à tout jamais ".
Lorsque je formai une basse-cour, il y a douze ou treize ans, je voulus la peupler avec
une race de poules pondant beaucoup d'œufs et de gros oeufs, et donnant dans le moins de
temps possible un bon poids de chair fine et tendre. J'ai expérimenté toutes les races,
je crois, et aucune ne m'a donné ce que je désirais.
La poule de Bresse m'aurait pourtant satisfait par son grand nombre d'œufs, sa précocité
et son grand embonpoint par rapport à sa taille, mais elle est trop petite et ses oeufs
sont trop peu volumineux.
Je cherchais de tous cotés des poules qui pussent me satisfaire, quand je remarquai que
dans presque toutes les fermes que je visitais, je voyais une ou deux grosses poules
couleur coucou à pattes blanches et lisses. Séduit par la taille et la jolie couleur de
ces poules, j'interrogeai un petit fermier qui en possédait une . Il me confirma qu'on
voyait de ces poules dans presque toutes les fermes du pays ( presque jamais de coq ) ,
qu'on les trouvait dans des couvées de ces poules de races mélangées comme on en voit dans
toutes les fermes, et qu'on ne savait comment elles s'y trouvaient. Il me dit que sa poule
et toutes celles qu'il avait rencontrées jusqu'alors, étaient d'excellentes pondeuses et
que leurs oeufs étaient de très forte taille; il ajouta qu'il serait à souhaiter qu'on
tâchât de fixer cette race et de la répandre.
Je pris le parti d'essayer ; je cherchai plusieurs de ces poules, mais j'eus grand' peine
à trouver un coq. Enfin. me trouvant à la tête d'un coq et de quelques poules, je commençai
à élever et à sélectionner .
Après quelques générations la race était fixée, car ni la forme ni la couleur des élèves ne
variaient plus. Je continuai à sélectionner pour perfectionner encore la race: je
choisissais toujours le plus beau coq pour l'accoupler avec les plus belles poules, ses
sœurs. J'ai obtenu ainsi des poules et des coqs à peu près de la taille des coucous d'Écosse
, mais un peu plus bas sur pattes et beaucoup plus ronds et plus charnus. Quant à la couleur
, la poule est aussi jolie que le coucou d'Écosse, mais le coq est moins beau. Son plumage
est considérablement plus clair.
Quand on considère ces coucous auprès des coucous d 'Écosse et des coucous de Malines, on
voit qu'ils ressemblent bien plus aux derniers qu'aux premiers: seulement ils n'ont pas de
plumes aux pattes et ont la queue un peu plus haute. Tous ceux qui les voient disent que
ce sont des coucous de Malines à pattes lisses Je suis persuadé , et l'ai toujours été, que
ce sont les vrais types primitifs du coucou de Malines avant son croisement avec le Cochin
ou ses dérivés. C'est essentiellement une poule de production et je n'ai pas visé à la
beauté en la sélectionnant . Chose curieuse même , j'ai toujours du écarter de la
reproduction les sujets aux plus belles plumes, car ils étaient beaucoup plus légers que
les autres.
Tel qu'il est, pourtant, le coucou de Flandre est aussi joli que le coucou de Malines; les
poules sont même plus belles. La poule donne de 120 à 140 oeufs par an ; les oeufs pèsent
de 67 à 75 grammes. Elle couve peu. Mue en août, commence sa ponte vers les premiers jours
d'octobre, arrêt par les grands froids, du 15 novembre au 15 décembre; le 15 janvier elle
est de nouveau en pleine ponte. Les poulets de 4 mois pèsent plumés et troussés , mais non
engraissés, environ 2 1/2 kilog. Les coqs adultes pèsent jusqu'à 5 kilog. La chair en est
fine, délicate et surtout très tendre et blanche. Je n'ai jamais été heureux aux
expositions avec cette race, car sans avoir égard à la taille on a toujours considéré la
couleur et l'immense différence entre la plume du coq et la plume de la poule m'a toujours
été funeste, surtout parce qu'ils concouraient avec les coucous de Rennes. "
" On voudrait voir le coq de même teinte que la poule, mais j'ai reconnu que c'était
impossible sans avoir recours à un croisement, ce que je ne veux pas faire, de peur de
rendre la race trop légère. Je crois du reste que le coucou de Rennes et le coucou d'Ecosse
ne sont aussi foncés que parce qu'ils ont été croisés avec une race noire. La preuve, à mon
avis, en est dans ce fait que ces poules donnent souvent des produits noirs, ce qui n'est
jamais arrivé à mon coucou ; je n'ai jamais eu de poules noires ni aucun coq plus foncé que
ceux que j'ai aujourd'hui et qui sont identiquement de la même couleur que leurs pères.
Je cherche maintenant à répandre cette race en donnant aux fermiers des environs tous les
oeufs que je n'emploie pas à l'incubation. Tous ceux qui ont de ces poules s'en trouvent si
bien qu'ils n'en veulent plus d'autres Le comice agricole de l'arrondissement de Lille a
reconnu les qualités de cette poule comme volaille de ferme et à son dernier concours,
organisé le ler juin 1890 à Quesnoy-sur - Deûle, il a décerné à mon lot le premier prix de
poules de fermes et la médaille de vermeil destinée au plus beau lot de volailles du canton.
J'ai oublié de dire que cette volaille est très féconde. Un lot de l coq et 7 poules
enfermés pendant 2 mois dans un très petit parquet a donné 213 oeufs, c'est-à-dire un peu
plus de 30 oeufs par poule, soit 15 par poule et par mois. Sur 112 oeufs mis en incubation
, j'ai eu 108 éclosions et j'ai fait 100 élèves . Ce qui prouve , soit dit en passant,
qu'il ne faut pas trop médire de la consanguinité puisqu'on obtient un tel résultat après
une consanguinité répétée pendant dix générations.
Excusez ce long exposé ; j'ai cru qu'il pourrait peut-être vous être utile, si vous vous
intéressez réellement à la poule pratique, ce que tous les organisateurs d'expositions
disent, mais ce qui n'est guère vérifié, j'ai pu en juger par moi-même. On veut avant tout
une poule de production. Vous expédiez la volaille en confiance; le jury prime de petits
poulets légers mais très jolis, et si vous vous étonnez on vous répond que votre volaille
est peut-être bonne, mais qu'elle n'est pas assez belle pour l'exposition, le coq étant trop
clair pour la poule.
Je suis persuadé que la poule dont je viens de parler est le type primitif du coucou de
Malines, car elle est très répandue dans toutes les fermes des Flandres française et belge.